jeudi 24 janvier 2013

Louer ses bras ou louer son ventre ?


Il y a quelques semaines, lors de la manifestation en faveur du mariage homosexuel, Pierre Bergé, souhaitant défendre la gestation pour autrui, a eu ces mots : « Louer ses bras à l'usine ou louer son ventre, quelle différence ? ». Ces propos ont provoqué un tollé général, comme ils le méritaient.

« Louer ses bras à l'usine ou louer son ventre, quelle différence ? », comme si l'être humain était morcelable, débitable en petits morceaux indépendants les uns des autres. Comme si le ventre d'une femme n'était pas relié à sa tête, à son corps, à ses vaisseaux sanguins, à ses artères ; comme s'il n'était pas une partie vitale de son corps, de sa personne et de son esprit. Comme si elle pouvait décider de s'en détacher pendant neuf mois, de le « louer » sans aucune conséquence sur son corps et son esprit.

Il est idiot et dangereux de dire qu'un ouvrier « loue ses bras », : c'est oublier que c'est toute sa personne - bras, dos, jambes, corps, tête, esprit - qui est engagée dans un travail parfois pénible, difficile voire même dangereux et que c'est par conséquent toute sa personne - bras, dos, jambes, corps, tête, esprit – qui en subit les conséquences ; c'est donc risquer de laisser de côté certains types de souffrances liées au travail. Ce ne sont pas les bras qui souffrent le plus d'accomplir une tâche à la chaîne : si un ouvrier « louait » ses bras, ça ne poserait aucun problème ; or, corps et esprit sont uns et indissociables.

C'est également vrai pour le ventre d'une femme. Dire qu'une mère porteuse « loue » son ventre, c'est oublier qu'autour de cet utérus, il y a une femme. Une personne, un être humain plein et entier avec un esprit, des projets, des rêves, des difficultés souvent, et un corps assujetti aux fluctuations hormonales et à la souffrance.
On dit souvent du cœur qu'il est le siège de nos émotions, mais c'est faux. C'est au ventre qu'on a mal quand on est trop nerveux ; on peut même être malade de trop de stress. Pour se calmer, c'est par le ventre qu'on respire profondément. C'est là qu'on digère les aliments nécessaires au fonctionnement de notre corps, de notre cerveau. Le ventre est le siège de nos émotions. Ce n'est pas un organe indépendant.
La grossesse n'est pas sans conséquences sur le corps d'une femme, au-delà du contrecoup sur la silhouette qui fait que des femmes égoïstes voudraient déléguer à d'autres la gestation de leur enfant. Si la plupart des grossesses se passent bien, elles sont rarement sans inconvénients : nausées, vergetures, remontées acides, douleurs de l'accouchement pour les plus bénins. Sciatiques, diabètes gestationnels, osthéoporose voire fièvres puerpérales pour les plus graves. Aujourd'hui, dans le monde, des femmes meurent encore en couche ou des suites d'un accouchement. Des femmes, souvent, pauvres, démunies, sans protection ; des femmes parmi celles qui seraient le plus susceptibles de devenir des mères porteuses, de « louer leur ventre ». Bref, une grossesse n'est pas circonscrite dans le ventre des femmes, elle mobilise le corps tout entier. D'ailleurs, des chercheurs ont récemment expliqué que l'accouchement se déclenche lorsque le nourrisson utilise une part trop importante du métabolisme de sa mère.

Ce ne sont là que les conséquences sur le corps des femmes. Mais ce corps est indissociable de l'esprit, et les conséquences psychologiques d'une grossesse ne peuvent pas, non plus, être ignorées, être reléguées de côté comme si une mère porteuse ne faisait que « louer son ventre ». Anne Sylvestre l'a chanté dans « Tu n'as pas de nom », sa chanson pour défendre l'avortement : « Savent-ils que ça transforme / L'esprit autant que la forme / Qu'on te porte dans la tête / Que jamais ça ne s'arrête ». Encore une fois, si une grossesse peut très bien se dérouler (et si une grossesse désirée peut être un moment merveilleux dans la vie d'une femme), il n'est pas anodin de porter un être en soi pendant neuf mois. Une amie m'a affirmé n'avoir pas souhaité allaiter, après la naissance de son enfant, parce qu'elle avait envie de se réapproprier son corps qu'elle avait senti lui échapper pendant sa grossesse. L'accouchement a également ses conséquences et le « baby-blues », cette déprime passagère du fait de ne plus avoir d'enfant dans son ventre, est un phénomène connu et reconnu. Enfin, l'abandon de l'enfant qu'on a porté neuf mois peut bien sûr être cause de graves souffrances et pose déjà problème dans les pays qui pratiquent la gestation pour autrui ; en Ukraine, une mère porteuse qui avait décidé, à la naissance, de reconnaître ses jumeaux, vient de se voir sommée par la justice de confier les enfants au couple qui l'avait embauchée.

L'être humain n'est pas divisible, ses membres et ses organes ne sont pas dissociables les uns des autres. On ne « loue » ni ses bras, ni son ventre, ni son vagin. Le phénomène de dissociation qui peut survenir lors de certains viols intervient en cas de frayeur ou de souffrance extrême et n'est pas sans causer des troubles par la suite. Nier cette intégrité du corps humain, c'est refuser d'analyser une situation, une tâche, un métier, dans toutes ses implications et conséquences possibles ; c'est idiot et dangereux.

vendredi 18 janvier 2013

Une perte de "repères" ?


Ces temps-ci, le débat sur le mariage homosexuel, l'adoption par des couples homosexuels et la procréation médicalement assistée fait rage en France. Parmi les arguments contre qu'on entend le plus fréquemment, il y a l'idée qu'un enfant aurait besoin d'une mère et d'un père pour se construire, que sans deux parents de sexe différent, il perdrait – et la société avec lui – tous ses repères. L'idée, donc, qu'un être humain doit se construire dans une différenciation des sexes, en adéquation avec son sexe biologique et en miroir avec l'autre sexe ; la fameuse idée de l'égalité dans la différence, dans la complémentarité.

Il n'y a pas besoin de creuser longtemps cette idée pour voir que, derrière, pointe la notion de rôles masculins et de rôles féminins, constituants de l'identité de chaque personne. Voire que ce – ceux – qui s'écartent de ces rôles n'est pas normal, sain ou souhaitable.

Quels sont donc, alors, ces repères si salutaires que notre société divisée en deux sexes est censée fournir à nos enfants ? Florilège : dans leur plus jeune âge, notre société apprend aux enfants qu'une fille, ça ne crie pas et qu'un garçon, ça ne pleure pas. Qu'une fille aime le rose, les princesses et les fées tandis qu'un garçon aime le bleu, les super-héros et les pirates. Qu'une fille joue dedans, un garçon dehors. Qu'une fille est calme, qu'un garçon se bat pour prouver sa virilité. Quand ils avancent dans les études, qu'une fille est nulle en maths et qu'un garçon a des problèmes en langues. Quand ils sont adolescents, qu'une fille qui a trop de partenaires sexuels est une pute tandis qu'un garçon a intérêt à multiplier les conquêtes. Qu'une fille se destine aux métiers sociaux et aux métiers de soin mal payés et moins gratifiants, tandis qu'un garçon a de l'ambition. Quand ils deviennent adultes, qu'une femme s'occupe de la maison en plus de son travail. Que c'est elle qui s'arrête de travailler et coupe sa carrière pour s'occuper de ses enfants, elle qui va les chercher à la sortie de l'école, qui prend les congés enfant malade et qui assiste aux réunions parents profs. Et quand ils prennent leur retraite, qu'avec sa carrière entrecoupée de grossesses et sa profession moins bien payée, une femme touchera seulement une demi-retraite.

Les voilà, les repères d'une différenciation sexuée et leurs conséquences qui vont avec, ces repères qu'il serait si important de préserver ! La voilà, la société qu'il faut défendre contre cet horrible effondrement des valeurs que constitue la théorie du genre et l'atroce idée qu'il faut laisser les enfants – et les gens en général – libres d'exprimer leur personnalité, qu'elle corresponde ou non à ce que la société imagine de leur sexe.

Moi, je dis : abattons-les, ces repères. Ils gangrènent notre société, ils divisent les hommes et les femmes, ils enferment, ils blessent et ils tuent. Le mariage pour tous menace l'ordre parfait d'une division sexuée – et sexiste ? Tant mieux ! Qu'il le renverse !

Et qu'on remplace la haine par l'amour, la division par l'union, et l'étiquettage systématique des enfants par la liberté !

jeudi 10 janvier 2013

Pas mieux qu'un homme et une femme pour élever un enfant ?


Dans un établissement catholique français, L'APEL (Association des parents d’élèves de l’enseignement libre) a récemment cru bon de joindre aux bulletins scolaires des élèves un tract contre le mariage pour tous.

Dans ce tract – qui réclame un débat et une consultation mais dont les propos sont particulièrement violents – une phrase en particulier a attiré mon attention.
« Sauf preuve du contraire, on n'a pas trouvé mieux qu'un homme et une femme pour élever un enfant ».
Ah. En dehors de toute argumentation, cette phrase est, à mon sens, singulièrement insultante pour les homosexuels et en particulier pour les couples parents, mais elle est en plus révélatrice d'une bêtise et d'une ignorance crasses.

« On n'a pas trouvé mieux qu'un homme et une femme pour élever un enfant. »
L'auteur de cette prose sait-il que le modèle de la famille nucléaire, dominant en occident, n'a rien d'universel ? Qu'en Afrique, on dit « Il faut tout un village pour élever un enfant » ? Il y a des peuples pour lesquels les liens biologiques n'ont pas beaucoup d'importance ; les enfants sont élevés par tous les adultes. Au Burkina Faso, sans que ça aille jusque là, les enfants sont fréquemment élevés par d'autres membres de la famille que les parents et chaque adulte se sent responsable de l'éducation de chaque enfant, y compris ceux qu'il ne fait que croiser dans la rue. Qui sommes-nous pour affirmer que notre modèle d'éducation, mère et père, est meilleur ? Culturellement, l'argument ne se tient pas.

Historiquement, alors ? L'auteur de ces lignes semble ne pas le savoir, mais ce modèle de famille nucléaire est récent en France et en Occident. Auparavant, plusieurs générations cohabitaient sous le même toit. Les grands-mères soulageaient les mères après l'accouchement en s'occupant des nourrissons, transmettaient leur savoir en enseignant à leurs filles ou belles-filles le soin de nouveaux-nés et chacun – mère, père, grand-mère, grand-père, grande sœur ou grand frère – participait à l'éducation des enfants. L'enfant éduqué par son père et sa mère, c'est une nouveauté relative. Et encore une fois, qui sommes-nous pour affirmer que cette solution est meilleure ? Est-il vraiment mieux de laisser de jeunes parents seuls avec leur enfant que d'assurer une transmission au sein d'une famille plus large ? Quoiqu'il en soit, historiquement non plus, la famille nucléaire ne constitue pas la norme.

Allons chercher du côté de la nature, alors ! Biologiquement, il faut un mâle et une femelle pour concevoir un enfant, alors on voit bien, hein, que c'est la situation normale ! Sauf que, s'il est déjà faux de dire que le couple mâle-femelle est nécessaire dans la nature pour la reproduction de l'espèce, il l'est encore plus d'imaginer un tel couple élevant les enfants. Dans certaines espèces – particulièrement les oiseaux – le couple mâle-femelle s'occupe effectivement conjointement de sa progéniture, mais c'est une minorité. Parmi les espèces qui vivent en meutes ou troupeaux, c'est l'ensemble des adultes qui veille sur les enfants, plus particulièrement protégés par leur mère. Dans d'autres, comme les chimpanzés, la mère a seule la charge de son petit et c'est elle qui prend soin de lui, l'éduque ou lui apprend à devenir autonome. Alors la biologie comme explication au sacro-saint modèle du couple hétérosexuel ? Non plus.

Il est absolument vain, arrogant et prétentieux de prétendre qu' « on n'a pas trouvé mieux qu'un homme et une femme pour élever un enfant ». Dans l'histoire, dans d'autres culture et dans la nature, d'autres modèles existent et personne ne peut prétendre affirmer que ces modèles sont inférieurs ou supérieurs.

vendredi 30 novembre 2012

« Je ne suis pas féministe, mais... »


Voilà une phrase que j'entends sans arrêt, en ce moment. Comme un espèce de mantra qu'on répèterait pour se protéger des mauvais esprits.
Il faut dire que quand je me présente ou que « j'avoue » (ce sont les crimes qu'on avoue, non ?) que je me revendique « féministe », j'ai toujours l'impression d'avancer en terrain miné. J'ai toujours l'impression de devoir me justifier, m'excuser, et gare à moi si je coupe le fil bleu à la place du fil rouge ; c'est l'explosion assurée.

Alors je voudrais rassurer la jeune génération dont je fais partie et qui a l'air de croire que le féminisme est une sorte d'insulte, un mouvement agressif et identitaire (une sorte de racisme ?) voire une maladie contagieuse.
NON, être féministe n'est pas une tare. NON, ce n'est pas un désir de revanche ou une soif de guerre. C'est une recherche de paix et de respect, au contraire.
Il y a un test très simple, qui consiste en deux questions :
Est-ce que vous considérez que tous les êtres humains sont égaux en droits ?
Est-ce que vous considérez que les femmes sont des des êtres humains ?
Oui ? Bravo ! Vous êtes féministe !

C'est évidemment un test réducteur et il y a des milliers de féminismes différents, et pourtant c'est un bon résumé : le féminisme, c'est chercher l'égalité des droits pour les femmes et pour les hommes, et le respect entre les sexes. Le féminisme, c'est l'humanisme tout simplement.

Partant de là, ce que je trouve effrayant, ce n'est pas de se dire féministe, c'est au contraire d'oser affirmer : «  Je ne suis pas féministe ». Ah bon ? Tu es contre l'égalité des sexes ? Intéressant. J'imagine mal quelqu'un affirmer « Je ne suis contre le racisme », étonnamment.

Alors voilà une liste de raisons pour lesquelles on peut, qu'on soit femme ou homme, être fier de se revendiquer féministe :
- D'abord, c'est une belle façon de rendre hommage aux féministes qui nous ont précédé-e-s. Me revendiquer féministe, c'est dire que je sais grâce à qui j'ai aujourd'hui le droit de vote, l'accès à la contraception, la possibilité d'avoir un salaire et un compte en banque à mon nom propre, le choix de qui j'épouse (ou non), la maîtrise de mon corps, bref, la reconnaissance de ma dignité d'être humain. Toutes ces choses qui sont aujourd'hui des droits mais qui, hier encore, étaient des privilèges interdits aux femmes. L'héritage de ces femmes et des hommes, je le porte et je le revendique fièrement.
- Dans le monde, d'après l'ONU, 1 femme sur 3 sera violée, battue ou tuée par un homme, généralement son compagnon. En France, 75 000 femmes sont violées chaque année ; une minorité de violeurs sont condamnés. Une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint. La misère et la précarité ont une visage de femme. Les tâches ménagères sont effectuées à 80% par les femmes. Les parents célibataires sont à 90% des femmes. L'écart de salaire, à travail et compétences égales, reste de 10% entre hommes et femmes. Une femme qui a la trentaine ne peut pas aller en entretien d'embauche sans craine la question redoutable, à laquelle toutes les réponses sont fausses : « Et vous comptez avoir des enfants ? ». L'Assemblée nationale n'est toujours composée que de 26% de femmes et les expertes interrogées par les grandes chaines de télé restent marginales. Bref, on peut raisonnablement dire que la route est encore très longue avant de parvenir à l'égalité effective. Donc, n'en déplaise à Carla Bruni, que nos générations ont encore besoin du féminisme.
- Une étude, effectuée dans 40 pays pendant 30 ans a démontré que le facteur principal dans la réduction des violences contre les femmes n'est pas le fait d'avoir un dirigeant féminin, un parlement paritaire ou un gouvernement de telle ou telle tendance ; c'est la présence et l'implication des associations féministes. Cette violence est toujours endémique ; par conséquent, l'action féministe est toujours vitale. Au sens propre du terme.
- Le féminisme n'a jamais tué personne ; le machisme tue tous les jours.
- … Et tant d'autres !

jeudi 8 novembre 2012

Sacrifiées pour les autres

Ce soir, je suis furieuse. Réellement furieuse.
Furieuse, parce que je lis, comme argument pour contrer l'idée de pénaliser les clients de la prostitution, que "Depuis la pénalisation du client en 1999, les violences sexuelles sont en constante progression en Suède."
Comme si viol et prostitution avaient un lien quelconque.

Cette idée m'écoeure, et à plus d'un titre.
Partons d'abord du principe que ceux qui utilisent cet argument ont raison. Que les violences sexuelles ont augmenté depuis la pénalisation du client en Suède, et qu'il y a un lien entre les deux.
Est-on censés accepter, dans une société du XXIème siècle, qu'une partie de la population soit offerte en sacrifice pour protéger les autres ?! Oublie-t-on que les personnes prostituées sont, elles aussi, victimes de viols à répétition et de violences inacceptables ?
L'idée, ignoble, qui se cache derrière cet argument, c'est qu'il y a deux catégories de femmes : les femmes "normales" et les prostituées. Qui peuvent plus que les autres supporter les violences masculines, qui peuvent être offertes en holocauste pour préserver les autres. Cette idée était répandue au Moyen Âge. Les prostituées étaient tolérées en ville, parce qu'ainsi elles préservaient du pêché les femmes "honnêtes". Depuis cinq cents ans, les droits de l'humain ont largement progressé. Mais cette idée n'a pas bougé d'un poil. D'ailleurs, en France, quand une joggeuse est assassinée, l'information fait la une des journaux. Quand une prostituée est assassinée, c'est comme si elle ne méritait pas une ligne.

Un autre raison pour laquelle cet argument me hérisse, c'est qu'on fait à nouveau porter la responsabilité du crime à la victime. Il y a des hommes qui violent ? Il faut leur fournir un exutoire pour éviter qu'ils ne violent des femmes "convenables" ! Surtout, ne nous posons pas de questions sur l'éducation que la société propose aux garçons. Ne remettons pas en cause les injonctions qu'ils reçoivent dès leur petite enfance pour apprendre à "être un homme" ("ne pleure pas", "sois un homme", "défends-toi"...), à cacher leurs émotions et à se sentir supérieurs aux filles ("tu pleures comme une fillette !", "t'es une petite fille ou quoi ?"...). Non, plutôt que d'apprendre aux hommes à ne pas violer, apprenons aux femmes à avoir peur et à accepter qu'on en offre d'autres en sacrifice.

Et enfin, ce qui m'agace dans cette "analyse", c'est qu'on nous présente deux faits séparés, sans aucune preuve qu'il y a un lien entre les deux. Ou que le lien est bien celui qu'on nous présente. En France, seules 10% des victimes de viol portent plainte. En Suède, une politique d'éducation non-sexiste est en place depuis plus trente ans. Qui peut dire que si le nombre de viols rapportés augmente, ce n'est pas parce que la parole des victimes est plus respectée qu'en France et donc plus libérée ? A-t-on déjà oublié la monstrueuse affaire des viols en réunion de Créteil et les insultes qu'ont subies les deux victimes ? Et les 40 viols par jour que subissent les prostituées, leurs plaintes qui ne sont presque jamais écoutées par la police ? Comme il est simple de faire baisser les statistiques en méprisant la parole des victimes !

On veut nous faire croire que la politique de l'abolition de la Suède est un fiasco. Qu'on aille constater la situation à Amsterdam où les femmes sont exposées en vitrine et où, malgré la légalisation de la prostitution, seuls 2% des personnes prostituées se disent satisfait-e-s de leur travail.

Qu'on pense encore à un simple fait : le rappot Global Gender Gap, basé sur l'égalité hommes - femmes en termes de salaires, d'accès à la santé, à l'éducation et de représentation en politique, classe la Suède 4ème après l'Islande, la Finlande et la Norvège. Trois pays pénalisant les clients.
La France ? 57ème.

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Un métier comme un autre ?
Not for sale

dimanche 2 septembre 2012

Le marketing genré


Brosses à dents. Cartes bleues. Stylo bic. GPS. Apéricube. Samsung. Lego. Playmobil. Kinder Surprise... Connaissez-vous le point commun entre ces différents produits ? Ils possèdent tous des gammes estampillées « pour femmes / pour filles ».

Généralement roses ou violettes, avec des paillettes, et renvoyant les filles et les femmes au culte de la beauté / à la superficialité / à la consommation / aux travaux ménagers. Chacun de ces nouveaux produits est un nouveau pas en arrière, grâce au marketing genré qui a notamment comme objectif, évidemment, de faire rentrer plus d'argent en créant des besoins qui n'existent pas.
Seulement ça ? Pas si sûr.
Parce que, globalement, ces gammes sont tellement stéréotypées voire insultantes pour les femmes parce que paternalistes, que beaucoup réagissent ; ces campagnes genrées peuvent nuire à l'image de la marque, tandis que seules 17% des femmes disent acheter des produits estampillés « pour femmes ».

Vous pensez que j'exagère en qualifiant ces produits d'insultants ? Regardons par exemple la brosse à dent pour femmes :

« une tête plus fine adaptée aux bouches plus petites » : bientôt, il faudra mesurer la taille de sa bouche avant d'acheter une brosse à dent ? Non parce que deux hommes ou deux femmes n'ont certainement pas une bouche de la même taille !
« un design fin et élégant » : car nous les femmes vivons un défilé de mode permanent, jusque dans nos salles de bain.
« une préhension douce et facilitée » : car nos faibles menottes de femmes auraient du mal à saisir une brosse à dent ? Et dire que je n'avais jamais été prévenue ! Le voilà, le paternalisme insultant !

Concernant le « Cristal for her », c'est la même chose :
« un corps coloré plus fin pour une meilleure prise en main des femmes » : car les femmes sont comme les bébés, il faut utiliser des couleurs vives pour attirer leur attention. Et les stylos sont toujours si épais qu'ils nous tombent des mains ! Paternalisme insultant, à nouveau.

Ce sexisme ordinaire qui se généralise (de plus en plus de marques se lancent dans ce marketing genré, certaines ont même le culot de lancer leurs produits pour femmes lors de la journée internationale pour les droits des femmes) n'est pas inoffensif : il renforce des stéréotypes sexistes, il renvoie les femmes à la superficialité, il nous enferme dans des clichés paternalistes, il éduque les filles à une vision binaire du monde en leur apprenant que leur vie se résume au shopping, au dressing-room et à la cuisine.

Ce n'est pas tout : ces gammes sont également excluantes. Beaucoup de marques proposent des produits génériques et une gamme spécialement pour les femmes / les filles : c'est le cas des stylos bic, par exemple, ou encore des cartes bleues pour femme, de Lego, Playmobil ou Kinder Surprise. Pour ces marques (et pour nos sociétés en général), l'homme est l'universel, la femme le particulier. Une sorte de dérivé du mâle, qui constitue la normalité. C'est comme ça que les femmes, 50% de l'humanité, se retrouvent cataloguées parmi les « minorités ». C'est comme ça que les représentations de l'Humanité à travers les âges et les cultures montrent toujours des hommes en priorité, faisant des femmes une moitié invisible.

C'est une tendance dangereuse. Les femmes doivent reprendre la place qui est la leur : une moitié de l'humanité, à part égale avec les hommes.

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vendredi 3 août 2012

Harcèlement : la parole des femmes déliée, enfin !

 Si vous vous êtes connecté sur internet ces jours-ci, vous n'avez pas pu échapper à l'information : une étudiante belge, Sofie Peeter, a réalisé un document vidéo « Femme de la rue », dans lequel elle se filme marchant dans la rue dans son quartier de Bruxelles. A son passage, les insultes (chienne, salope) et les dragues lourdes et insistantes se multiplient : bref, le harcèlement machiste avec lequel toute femme (ou presque) est familière. J'en parlais récemment.

L'information a buzzé sur le net, et si certains sont immédiatement tombés dans le déni (c'est exagéré, ça n'existe pas en France, elles aiment ça, etc.), l'affaire a au moins eu le mérite de délier les langues. Sur Twitter, un hashtag #harcelementderue a permis aux femmes de témoigner sur leur propre harcèlement qu'elles subissent, et les témoignages se sont multipliés. Beaucoup d'hommes ont alors semblé tomber des nues et découvrir un phénomène qu'on connait depuis le tout début de l'adolescence.

C'est vrai que nous en parlons peu. Parce qu'on aurait trop de choses à raconter, sans doute. Parce qu'on n'a pas envie d'avoir à expliquer que ce n'est pas lié à nos vêtements ni à notre attitude, peut-être. Peut-être également, parce qu'il nous reste un vieux fond de culpabilité qui fait qu'à chaque fois que ça nous arrive, on a le réflexe de se demander ce qu'on a fait de mal.
Cette vidéo est libératrice. Quand on voit ce harcèlement arriver à une autre femme, on se sent solidaire ; on sait qu'elle n'a rien fait de mal et qu'elle n'a pas provoqué ce harcèlement et par miroir, on sait que ce n'est non plus jamais de notre faute. Et on ose parler, sans honte, sans culpabilité, libres.

Quelles pourraient être les retombées de cette vidéo ?
Là est la question qui se pose, parce que libérer notre parole est une première chose, mais c'est insuffisant. Il faut pouvoir arracher le droit de marcher dans la rue en sécurité, sans se faire insulter.
Le maire de Bruxelles évoque une loi punissant le harcèlement de rue d'une amende. Soit. Les insultes et le racisme sont déjà punis, punir le harcèlement sexiste s'inscrit dans la même lignée et ça devrait être le cas depuis longtemps déjà.
Ce qui me gêne, c'est que le débat semble s'arrêter là. Comment ne pas comprendre, en voyant à quel point le problème est courant et général, qu'il ne s'agit pas là de l'incivilité d'individus à punir au cas par cas, mais bien d'une réel problème d'éducation et de société ? Comment ne pas comprendre qu'il faut maintenant réfléchir à la manière d'éduquer au respect des femmes ? A leur droit d'occuper l'espace public, partout, n'importe quand, et quels que soient leurs vêtements ?

Depuis la sortie de cette vidéo, et notamment grâce à l'expression « harcèlement de rue », je me suis mise à réfléchir à ce que j'ai moi-même subi depuis mes onze ans. Cette expression est effectivement bien trouvé.
Harcèlement, d'abord. Le terme permet de faire la différence entre les harceleurs et les dragueurs. Les dragueurs abordent gentiment et comprennent quand on leur dit non. Les harceleurs abordent de manière directe voire insultante et insistent, alors qu'on a parfois déjà dit non trois ou quatre fois. Eventuellement, ils concluent d'une insulte. Et puis il y a évidemment ceux qui cherchent simplement à humilier ou intimider, ceux qui sifflent, ceux qui sont vulgaires, ceux qui commentent nos fesses ou nos seins et pire, ceux qui touchent.
De rue, ensuite. En faisant le bilan de mon histoire, j'ai réalisé que dans mon cas, le harcèlement avait lieu environ 95% du temps dans la rue, 5% du temps dans le métro. Plus intéressant encore, je me suis rappelée que lorsque j'étais adolescente, des garçons qui étaient au même collège que moi pouvaient me harceler dans la rue, mais jamais dans l'enceinte du collège. (Et ce n'était pas une question de présence d'adultes : ces mêmes garçons fumaient en cachette dans la cour, ils n'auraient eu aucun mal à harceler une jeune fille). Le harcèlement est bien de rue puisque c'est toujours dans le cadre des lieux publics extérieurs ou de transit (transports en commun) qu'il se produit. Et il vise à faire peur et à humilier.

Il y a bien, pour les harceleurs, une conception de l'espace public comme masculin. A leurs yeux, toute femme qui s'y aventure le fait à ses risques et périls : les règles du jeu sont celles de ces messieurs. La seule solution pour y échapper, c'est de succomber au patriarcat et de se faire accompagner d'un homme (auquel cas le harcèlement est bien moins fréquent voire nul, l'homme légitimant notre présence) ou de rester chez soi. Dans la sphère domestique.

A présent que la langue des femmes s'est déliée et que le phénomène commence à être connu et reconnu, il est donc important de ne pas se contenter du répressif et de réfléchir à comment attaquer le problème à la racine : éduquer au respect des femmes et au partage de l'espace public.

vendredi 6 juillet 2012

Not for sale !

Ce film "pas à vendre" de Marie Vermeiren donne la parole à des survivantes de la prostitution. Des femmes qui, comme le dit l'une d'entre elles, ont aussi dit à un moment de leur parcours "C'est mon choix, j'ai décidé de faire ça". Des femmes que la prositution a brisées, et qui rappellent que lutter contre la prostitution, c'est lutter pour les personnes prostituées, comme je l'ai déjà expliqué dans mon article précédent : un métier comme un autre ?

A voir !


vendredi 29 juin 2012

Un métier comme un autre ?


Le sujet fait beaucoup de bruit depuis une semaine : Najat Vallaud-Belkacem, la Ministre des Droits des Femmes, veut tendre vers l'abolition de la prostitution. Dans un entretien au Journal du Dimanche, elle déclare :
« Mon objectif, comme celui du PS, c’est de voir la prostitution disparaître. Je ne suis pas naïve, je sais que ce sera un chantier de long terme. Cette position abolitionniste est le fruit d’une réflexion tirant les leçons des insuffisances des dispositifs actuels. Dans cette optique, le Parlement a adopté l’an dernier une résolution qui préconise la pénalisation des clients. Tous les partis l’ont votée. Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, et moi-même ne resterons pas inactifs sur cette question. Sans aucun jugement moral, il s’agit de protéger l’immense majorité des prostituées, qui sont d’abord des victimes de violences de la part des réseaux, des proxénètes. »

La question fait polémique, évidemment. Parmi ceux qui sont contre l'abolition de la prostitution, on entend toujours les mêmes arguments : « dans les pays où la prositution a été légalisée, tout se passe bien ». « Les clients sont des hommes comme tout le monde ; ils ont une frustration sexuelle qu'ils ont le droit de soulager. On ne va pas envoyer en prison un pauvre type qui veut juste s'envoyer en l'air ». « C'est un choix, c'est un métier comme un autre ; on doit pouvoir disposer de son corps comme on veut. L'Etat n'a pas à s'immiscer dans une relation entre deux adultes consentants, même tarifée »...

Que penser de tout ça ?

« Dans les pays où la prositution a été légalisée, tout se passe bien »

Aux Pays-Bas, la prostitution a été légalisée en 2000. A Amsterdam, les filles se vendent en sous-vêtements derrière des vitrines rouges dans des rues que les touristes arpentent en trouvant ça, peut-être, « pittoresque » ou amusant.
Peut-être qu'ils ne savent pas que, d'après les propres enquêtes des instituts d'analyses aux Pays-Bas, entre 50 et 90% de ces femmes n'ont pas choisi de se prostituer mais sont tombées sous la coupe d'un mac. Peut-être qu'ils ne savent pas que seules environ 10% ont pris le statut de prostituée légale, et que 98% voudraient changer de vie. Peut-être qu'ils ne savent pas que leur statut de femmes en vitrine ne les protège ni de la violence des clients, ni de la violence des macs.

Tout se passe bien dans les pays où la prostitution a été légalisée ? Non. Les prostituées ne sont pas plus protégées qu'avant. Par contre, dans ces pays, les programmes d'aide à la sortie de la prostitution disparaissent petit à petit. En effet, quel Etat financerait des programmes pour sortir d'une profession « normale » ? Aux Pays-Bas, l'agence pour l'emploi a sommé une hôtesse de l'air de se présenter dans une maison close, parce qu'il était temps qu'elle se remette à travailler. Apparemment, l'agence pour l'emploi estimait qu'après avoir servi des verres et des repas à des clients-passagers, elle pouvait tout aussi bien se mettre à tailler des pipes à des clients-prostitueurs. Un métier comme un autre !
Pour couronner le tout, la légalisation de la prostitution met en danger toutes les femmes en présentant leur corps comme un bien qu'on peut acheter ou « louer ».

« Les clients sont des hommes comme tout le monde »

Effectivement. Ce sont des frères, des maris, des pères.
Mais ce sont des hommes qui achètent des femmes.
En France, environ 90% des prostituées le sont de manière forcée : elles sont victimes de la traite des femmes, tombées sous la coupe d'un mac ; elles n'ont plus d'autre moyen de subsistance ; elles ont été victimes, jeunes, de violences sexuelles ; elles sont étrangères, perdues dans un pays qu'elles ne connaissent pas, et leurs papiers ont été confisqués...
En France, ce sont également 95% des prostituées qui veulent changer de vie.

Ces faits sont un secret de polichinelle. Tout le monde – y compris les clients – sait qu'une grande partie des prostituées s'est retrouvée forcée, d'une manière ou d'une autre, à faire le trottoir. Participer au système prostitueur en achetant des femmes, c'est alimenter ce système ; c'est risquer d'acheter une relation sexuelle à une femme – ou une fille – non consentante. C'est inacceptable.
Ces hommes vivent peut-être une situation de misère sexuelle, et je nie pas qu'ils peuvent souffrir. Mais comment peut-on imaginer faire passer leur souffrance avant celle de ces filles et de ces femmes qui, majoritairement, n'ont pas choisi de se prostituer et se retrouvent violées et violentées à longueur de journée ?

Les clients-prostitueurs ont un immense avantage sur les prostituées : ils choisissent. Ils décident. Ils sont libres de ce qu'ils font. Par conséquent, ils portent la responsabilité de ce système violent et destructeur.
Pénaliser les prostituées n'est pas une solution ; elles sont les victimes. Pénaliser les clients signifie en revanche envoyer un signal fort rappelant qu'acheter une relation sexuelle, c'est faire violence à une femme qui n'a sans doute pas choisi d'être là... et à travers elle, faire violence à toutes les femmes. C'est la seule solution pour enrayer la prostitution.

Quant à leur frustration sexuelle, à l'époque d'internet, on ne compte plus les sites de rencontre basés sur les plans d'un soir. Là ou dans des clubs échangistes, les clients devraient trouver des femmes qui ne sont pas exploitées.

« On ne peut pas légiférer sur des relations entre deux adultes consentants ».

Les relations client-prostituée n'ont rien de relations entre deux adultes consentants. A supposer déjà que la prostituée soit adulte, son consentement est plus que discutable. J'ai déjà abordé la question du choix – ou plutôt de l'absence de choix. Mais ce n'est pas tout. Les prostituées commencent, en moyenne, à l'âge de 14 ans. Si vous connaissez des filles de 12-15 ans (fille, sœur, nièce...), essayez de les imaginer choisir la prostitution : leur choix vous paraitrait-il libre et éclairé ? En outre, beaucoup de prostituées ont été victimes d'abus sexuels pendant leur enfance.
Comment parler de relations entre deux adultes consentants dans ces circonstances ?

« C'est un métier comme un autre ».

C'est bien là la question la plus épineuse sur la prostitution. A moins d'être sévèrement misogyne, personne ne peut défendre le système prostitueur actuel et l'exploitation de la misère des femmes. Mais quid d'une prostitution légale, encadrée, protégeant les femmes et leur laissant le choix ?

La prostitution n'est pas un métier comme un autre. Les prostituées ont un taux de mortalité 20 fois plus important que le reste de la population. 93% d'entre elles sont battues par leurs clients, et ce chiffre n'aborde même pas la violence de leurs macs. Elles ont un taux de suicide supérieur à la moyenne.
Ce n'est pas un métier. C'est une violence faite aux femmes.

Certains parleront du droit de chacun à disposer de son corps : le corps des prostituées leur appartient, elles sont libres d'en faire ce qu'elles veulent et de travailler dans les conditions qu'elles choisissent. C'est amusant, il n'y a que pour les prostituées que ce libéralisme est défendu bec et ongles : pourquoi, en effet, est-ce que nous nous protégeons derrière un droit du travail si nous considérons que chacun peut disposer de son corps et de son temps comme il veut ? Revenons au lancer de nain, laissons les employeurs proposer des contrats de travail de 100 heures par semaine : libre à chacun de l'accepter ou non !
Tout n'est pas acceptable. La société ne peut pas accepter des conditions de travail dangereuses et dégradantes – et promouvant une vision malsaine et masculiniste des relations entre les hommes et les femmes – sous le seul prétexte d'un « droit à disposer de son corps ».

Amusant d'ailleurs, comme les défenseurs du droit à la prostitution envisagent rarement cette profession pour eux-mêmes ou pour leurs proches !

dimanche 3 juin 2012

The body is not an apology

Aujourd'hui, juste un slam que j'ai beaucoup apprécié et dont je pense que beaucoup d'entre nous (femmes ou hommes) devraient s'inspirer :



The body is not an apology. Let it not be forget-me-not fixed to mattress when night threatens to leave the room empty as the belly of a crow.
The body is not an apology. Do not present it as a dissembled rifle when he has yet to prove himself more than common intruder.
The body is not an apology. Let it not be common as oil, ash, or toil. Let it not be small as gravel stains or teeth. Let it not be mountain when it is sand, let it not be ocean when it is grass.
Let it not be shakened, flattened, or raised in contrition.
The body is not an apology. Do not give the body as communion, confession. Do not ask it to be pardoned as criminal. The body is not a crime; is not a gun; is not a lost set of keys or wrong number dialed. It is not the orange burst of blood to shame white dresses.
The body is not an apology. It is not the unintended granule of bone beneath willed body. It's not kill, it's not unkempt car, it is not a forgotten appointment.

Do not speak it vulgar, the body is not soiled, it is not filth to be forgiven, the body is not an apology.
It is not a father's backhand; it's not mother dinner late again. Wrecked jaw howl, it is not the drunken sorcery of contorting steel around tree. The body is not calamity, the body is not a math test, the body is not the wrong answer, the body is not a failed class.
You are not failing. The body is not an apology.
The body is not a crime, it is not a gun. The body is not a crime. It is not sentence to be served. Is not prison, is not pavement, is not prayer.
The body is not an apology. Do not offer the body as gift, only receive it as such. The body is not to be prayed for; it is to be prayed to.

So, for the evermore tortile tenth grade nose, Hallelujah. For the shower song throat that crackles like a grandfather's victrola, Hallelujah. For the spine that never healed. For the lambent heart that didn't either, Hallelujah. For the sloping pulp of back, hip, belly, Hosanna.
Errant hairs that rove the face like a pack of ? wolves. Hosanna, for the parts we have endeavored to excise. Blessed be the cancer, the palsy, the womb that opens like a trapdoor. Praise the body in its black jack magic, even in this. For the razor wire mouth. For the sweet God ribbon within it. Praise for the mistake that never was. Praise. For the bend, twist, fall, and rise again. Fall and rise again.
For the raising like an obstinate Christ. Praise the body that bends like a baptismal bowl. For those who will worship at the lip of this sanctuary. Praise the body for body is not an apology. The body is Deity. The body is God. The body is God; the only righteous love that will never need repent.