Dans un établissement catholique français, L'APEL (Association des parents d’élèves de l’enseignement libre) a récemment cru bon de joindre aux bulletins scolaires des élèves un tract contre le mariage pour tous.
Dans ce tract – qui réclame un débat et une consultation mais dont les propos sont particulièrement violents – une phrase en particulier a attiré mon attention.
« Sauf preuve du contraire, on n'a pas trouvé mieux qu'un homme et une femme pour élever un enfant ».
Ah. En dehors de toute argumentation, cette phrase est, à mon sens, singulièrement insultante pour les homosexuels et en particulier pour les couples parents, mais elle est en plus révélatrice d'une bêtise et d'une ignorance crasses.
« On n'a pas trouvé mieux qu'un homme et une femme pour élever un enfant. »
L'auteur de cette prose sait-il que le modèle de la famille nucléaire, dominant en occident, n'a rien d'universel ? Qu'en Afrique, on dit « Il faut tout un village pour élever un enfant » ? Il y a des peuples pour lesquels les liens biologiques n'ont pas beaucoup d'importance ; les enfants sont élevés par tous les adultes. Au Burkina Faso, sans que ça aille jusque là, les enfants sont fréquemment élevés par d'autres membres de la famille que les parents et chaque adulte se sent responsable de l'éducation de chaque enfant, y compris ceux qu'il ne fait que croiser dans la rue. Qui sommes-nous pour affirmer que notre modèle d'éducation, mère et père, est meilleur ? Culturellement, l'argument ne se tient pas.
Historiquement, alors ? L'auteur de ces lignes semble ne pas le savoir, mais ce modèle de famille nucléaire est récent en France et en Occident. Auparavant, plusieurs générations cohabitaient sous le même toit. Les grands-mères soulageaient les mères après l'accouchement en s'occupant des nourrissons, transmettaient leur savoir en enseignant à leurs filles ou belles-filles le soin de nouveaux-nés et chacun – mère, père, grand-mère, grand-père, grande sœur ou grand frère – participait à l'éducation des enfants. L'enfant éduqué par son père et sa mère, c'est une nouveauté relative. Et encore une fois, qui sommes-nous pour affirmer que cette solution est meilleure ? Est-il vraiment mieux de laisser de jeunes parents seuls avec leur enfant que d'assurer une transmission au sein d'une famille plus large ? Quoiqu'il en soit, historiquement non plus, la famille nucléaire ne constitue pas la norme.
Allons chercher du côté de la nature, alors ! Biologiquement, il faut un mâle et une femelle pour concevoir un enfant, alors on voit bien, hein, que c'est la situation normale ! Sauf que, s'il est déjà faux de dire que le couple mâle-femelle est nécessaire dans la nature pour la reproduction de l'espèce, il l'est encore plus d'imaginer un tel couple élevant les enfants. Dans certaines espèces – particulièrement les oiseaux – le couple mâle-femelle s'occupe effectivement conjointement de sa progéniture, mais c'est une minorité. Parmi les espèces qui vivent en meutes ou troupeaux, c'est l'ensemble des adultes qui veille sur les enfants, plus particulièrement protégés par leur mère. Dans d'autres, comme les chimpanzés, la mère a seule la charge de son petit et c'est elle qui prend soin de lui, l'éduque ou lui apprend à devenir autonome. Alors la biologie comme explication au sacro-saint modèle du couple hétérosexuel ? Non plus.
Il est absolument vain, arrogant et prétentieux de prétendre qu' « on n'a pas trouvé mieux qu'un homme et une femme pour élever un enfant ». Dans l'histoire, dans d'autres culture et dans la nature, d'autres modèles existent et personne ne peut prétendre affirmer que ces modèles sont inférieurs ou supérieurs.
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