Récemment, je discutais avec un ami. Je lui explique que j'ai 28 ans, que je ne compte pas me marier (bien que vivant en couple) mais que je refuse qu'on m'appelle "mademoiselle" toute ma vie. Que je veux, donc, me faire appeler "madame", comme les hommes ont droit au "monsieur".
"Ah non, tu n'as pas le droit de te faire appeler madame !"
Ce jour-là, j'ai donc découvert que même parmi les jeunes générations, il existe toujours une hiérarchie entre les "mademoiselle" et les "madame", que je n'ai "pas le droit" de me faire appeler "madame" sans être mariée, que je ne suis donc pas tout à fait femme.
Je devrais me faire appeler mademoiselle, donc. Pour indiquer que, non mariée, je suis encore disponible et à disposition des hommes ?
Non seulement elle n'a rien de légal (n'en déplaise à mon ami, j'ai parfaitement le droit de me faire appeler madame), mais la distinction entre mademoiselle et madame est sexiste. Elle donne sur les femmes des informations privées que les hommes, eux, ont le droit de cacher (mais je jure qu'au prochain qui me demande "Madame ou mademoiselle ?", je réponds "Monsieur ou mondamoiseau ?"). Elle établit une hiérarchie entre filles pas tout à fait femmes et dames mariées respectables, mais également entre jeunes, jolies et vieilles défraîchies (d'où le plaisir que peuvent avoir certaines à se faire appeler "mademoiselle").
Osez le féminisme et les Chiennes de garde lancent aujourd'hui une campagne intitulée "Mademoiselle, la case en trop", pour rappeler le sexisme qui se cache derrière la distinction mademoiselle / madame, informer les femmes de leurs droits et leur donner les moyens d'agir.
A lire, et à diffuser !
Le site de la campagne "Mademoiselle, la case en trop"
Pour vous, ce sera madame ! sur les Nouvelles News
mardi 27 septembre 2011
lundi 26 septembre 2011
Nettoyer à deux, c'est mieux !
"Nettoyer à deux, c'est mieux !"
Ah oui, bien d'accord ! Personnellement, j'ai horreur du ménage. Alors pour m'y mettre, j'ai bien besoin de quelqu'un pour me motiver et pour faire la moitié du travail. Alors oui, à deux (comme pour n'importe quelle autre tâche, d'ailleurs), c'est toujours mieux !
D'ailleurs, Casa en a fait le slogan d'une de ses affiches. "Nettoyer à deux, c'est mieux !"
Sauf que sur l'affiche, qui voit-on ? Une femme et sa fille, souriantes, chacune un balai à la main.
Il m'a fallu quelques instants pour en croire mes yeux.
Le message est clair. Vous voyez ? C'est toujours mieux quand ce sont les femmes qui font le ménage. C'est elles qui le font le mieux, d'ailleurs. Et autant les y habituer dès l'enfance !
Après tout, quand on se retrouve, après une journée de travail, à devoir assumer 80% des tâches ménagères, il vaut mieux savoir s'y prendre.
Attention, je ne suis pas contre le fait de faire participer les enfants aux tâches ménagères. En revanche, je suis absolument contre le fait d'encombrer nos esprits de ce genre de messages faisant des femmes - et des petites filles ! - au ménage un référent de normalité. Dégradant et insultant pour les femmes parce qu'il les cantonne dans des rôles dont elles essaient de se débarrasser depuis longtemps (et il reste du chemin à faire), le message est d'ailleurs également excluant pour les hommes qui font leur part des travaux ménagers.
Et oui, ces stéréotypes sexistes - parce que véhiculés par les médias, les publicités - s'impriment dans notre quotidien et contribuent à modeler une société sexiste. Halte donc aux pubs sexistes, celle de Casa comme les autres !
Casa, du balai ! ou le sexisme dans la publicité, par les Chiennes de garde
vendredi 23 septembre 2011
Le viol en réunion, c'est pas si grave !
Avril 2005, à Carpentras. Une adolescente de 14 ans fugue après une dispute avec son père, et se rend dans une cité, espérant se faire héberger par un ami. Mais au lieu d'un refuge, c'est l'enfer qu'elle trouve.
Pendant deux semaines, traînée de caves en hôtels, l'adolescente va être violée, contrainte à des jeux sexuelles, des séances photo, et même prostituée. Un jour, enfin, l'un des jeunes – qui n'a pas participé aux viols – accepte de la conduire à la gendarmerie. C'est la fin d'un calvaire et le début d'un chemin de croix pour surmonter le drame.
En juillet 2011, douze de ces jeunes comparaissent devant un jury. Ils reconnaissent les faits, tout en arguant que la jeune fille faisait « dix sept ans, dix sept ans et demi » et qu'elle était consentante. Comme souvent, dans les cas de viols, la victime se retrouve, elle aussi, parmi les accusés, devant justifier de son passé pour être considérée comme victime ; plus encore lorsque le poids de la cité coud les lèvres des témoins.
D'ailleurs, tout au long du procès, les témoins – vivant dans la cité, amis des accusés - n'ont de cesse de décrire la victime comme une fille facile, une menteuse. Les accusés corroborent cette version. « Elle voulait du sexe, elle en a eu », disent-ils. Certains d'entre eux des petits délinquants multirécidivistes. D'autres n'ont pas de casiers judiciaires et se sont « rangés », ont à présent femme et enfants. Ils sont « passés à autre chose ».
Dans la cité, devant le viol, chacun se serre les coudes et c'est la victime qu'on blâme.
Plus que ce déroulé sans surprise, c'est l'analyse de l'expert psychiatre qui est stupéfiante : selon lui, ce sont « des jeunes normaux avec des histoires banales qui se sont retrouvés confrontés à une situation extraordinaire où tout a basculé (…) Ces jeunes ne sont pas dans une quête de plaisir mais dans la participation à un acte commun. Cela tient du rite initiatique, qui n'est pas un phénomène nouveau. C'est vrai qu'il y a mieux, comme initiation. Mon premier émoi, je l'ai eu en donnant de l'eau bénite à une jeune fille qui rentrait dans une église. (…) Dans cette pratique sexuelle, l'objet de la sexualité n'est pas la jeune fille mais le rapport avec les autres garçons, un peu comme dans « la guerre des boutons » : je suis capable, j'ai un plus gros zizi ou je fais pipi plus loin. ».
Attendez, stop.
Un rite initiatique ? Comparé à un premier émoi ou à « la guerre des boutons » ?!
De deux choses l'une : soit – étant donné la gravité des faits, leur durée et leur répétition – ces jeunes étaient conscients de ce qu'ils faisaient et en ce cas, le terme de « rite initiatique » est proprement scandaleux (un rite initiatique vers quoi ? L'apprentissage d'une relation de domination, de soumission, d'humiliation de la femme ?), soit ils ne s'en sont pas rendus compte et c'est encore plus grave. Car si trente jeunes, séquestrant et violant une jeune adolescente de 14 ans, ne sont pas capables pendant deux longues semaines de prendre un moment de recul et de réaliser la gravité de leurs actes, alors c'est la société toute entière qui est malade et c'est sa culpabilité qui est à rechercher. A présenter les hommes comme des prédateurs incapables de se réfréner et ayant des « besoins » qu'ils doivent satisfaire, et les femmes comme des objets sexuels à leur disposition, à systématiquement demander aux victimes comment elles étaient habillées (pas trop court surtout, ni trop décolleté !), à laisser des Catherine Millet venir expliquer que le viol, ce n'est pas si grave, voilà le résultat.
En tous les cas, la qualification d'un tel drame de « rite initiatique » par un psychiatre est plus qu'inquiétante et devrait éveiller les consciences à la réflexion, certainement pas rester inaperçue comme c'est le cas. Nul n'aurait jamais osé qualifier le calvaire et la mort tragique d'Ilan Halimi de « rite initiatique ». Les deux affaires ne sont bien sûr pas à mettre sur le même plan, mais entre l'indignation et l'horreur suscitée par l'une et l'indifférence voire les excuses provoquées par l'autre, il y a un monde bien trop grand.
Quoiqu'il en soit, l'expert psychiatrique a fait d'une circonstance aggravante (le vol en réunion, puni de 15 ans de prison) une circonstance atténuante : c'est le rapport au groupe qui était en jeu, c'était un rite initiatique, c'était l'effet de foule. Les accusateurs ont fait quelque chose de mal, certes, mais ils sont excusés. Tandis que la victime , elle, est fautive : « Cette jeune fille était en quête d'amour, d'affection. Elle n'a pu s'opposer à la volonté du groupe et a pu, à certains moments, être débordée par la situation et ressentir une forme de plaisir affectif. » (à tel point qu'après sa libération, elle se fera hospitaliser puis fera une tentative de suicide).
Ces jeunes ont été condamnés, à des peines allant jusqu'à deux ans de prison ferme. En plus de la question du rôle de la société dans les violences faites aux femmes, il y a celle du message envoyé par une telle condamnation qui est importante. Et le message, ici, est clair.
C'est celui d'une société laxiste envers les brutes et les lâches qui violentent les femmes.
Sources
jeudi 22 septembre 2011
La goutte d'eau
On les entend, tous les jours, depuis qu'on est petit(e).
Il y a celles qui vous rangent dans des cases.
« Ah non, pas de poupée, c'est un garçon, n'en fais pas un homo ! »
« Les garons, ça ne pleure pas ! »
« Les petites filles ne jouent pas au ballon. »
Il y celles qui vous insultent.
« Les femmes ne s'intéressent qu'à l'argent »
« Les femmes sont des pestes entre elles »
« Eh mademoiselle, c'est combien ? »
Il y a celles qui sont indiscrètes.
« Madame ou mademoiselle ? »
Il y aussi, celles, plus graves, qui minimisent les violences.
« Elle est laide, impossible qu'il l'ait violée ».
« Elle est habillée comme une pute ! »
Ces phrases, on les entend tellement qu'on ne les entend plus, ou à peine, comme une petite voix irritante.
Et puis il y a les comportements. La familiarité de la part d'inconnus, le paternalisme, les soirées chez des amis où les filles sont systématiquement à la cuisine, les serveurs qui amènent l'addition ou font goûter le vin à monsieur, les tâches ménagères laissées aux femmes...
Surtout, enfin, il y a les faits. Les 75 000 femmes violées chaque année dont la plupart se tait, les 27% d'écart de salaires entre hommes et femmes, les 85% des travailleurs précaires qui sont des femmes, le plafond de verre , les 80% de tâches ménagères effectuées par les femmes, la faible représentativité à l'assemblée nationale, dans les conseils d'administration d'entreprises, malgré un plus grand nombre de diplômes...
Et un jour vient la goutte d'eau. L'ultime goutte d'eau, celle qui fait déborder le vase, qui déverse tout ce qui avait été encaissé jusque là. Mais qu'on ne peut plus retenir.
Ce blog est le fruit de cette goutte d'eau. C'est l'expression d'un ras-le-bol devant le traitement réservé aux femmes dans le monde, mais également dans notre société française (celle-là même qui voudrait nous interdire de revendiquer nos droits, parce que nous aurions soit-disant « déjà tout gagné ») ; d'un ras-le-bol aussi devant la pression que la société nous inflige pour nous déterminer en fonction de nos sexes et nous faire rentrer dans des moules correspondant à l'idée qu'elle se fait de ce qu'est un « homme » et une « femme ».
Ce n'est ni plus ni moins qu'un modeste outil de réflexion et de veille sur les inégalités basées sur le sexe dans nos sociétés.
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