Dans le contexte des élections présidentielles qui arrivent, on entend énormément de choses sur l'avortement : en dehors de propositions de le dérembourser, certains parlent d'avortement de confort, estiment qu'il y a trop d'IVG, que c'est traumatisant ou arguent qu'il faut « défendre la vie » (celle de l'embryon, jamais celle de la mère). Ceux-là disent qu'il faut « accompagner » les femmes qui avortent, qu'il faut écouter leur souffrance. Tout en les obligeant à garder ce bébé dont elles ne veulent pas.
J'ai également lu l'appel d'une femme de 32 ans qui ne parvient pas à trouver de chirurgien acceptant sa demande de se faire stériliser, et les commentaires la qualifiant d'égoïste, égocentrique, et bien pire.
Le corps des femmes, la maternité ou le refus de devenir mère n'en ont pas fini de faire couler de l'encre, de faire parler ceux qui ne sont pas concernés... et d'échapper aux femmes. Refuser la stérilisation aux femmes qui la choisissent, proposer de dérembourser l'IVG (et donc en nier l'accès à celles qui n'en ont pas les moyens), c'est vouloir les déposséder de leur corps.
C'est nier ce que peut représenter une grossesse pour une femme, à plus forte raison une grossesse non désirée. Sans même aborder les conséquences de la naissance d'un enfant (qui sont évidentes, qu'on l'abandonne ou qu'on le garde), une grossesse n'est pas un acte anodin. Du fait des progrès de la médecine, on le minimise aujourd'hui, on en nie les risques et les conséquences possibles. « Ce n'est pas une maladie! ». Non. Et effectivement, la plupart du temps, les choses se passent bien. Mais pas toujours.
« Comment est-ce qu'elles faisaient, les femmes, avant ? ». Elles mouraient en couches.
La grossesse peut être un beau moment ; la femme enceinte peut être radieuse et épanouie, bien sûr. Et on veut nous faire croire que ça se passe toujours de cette façon, que nous pouvons toutes vivre ces grossesses épanouies. Mais c'est faux : toutes les grossesses ne se déroulent pas bien, toutes les grossesses ne sont pas sans risques. Aujourd'hui, des femmes meurent encore en couche. Des grossesses peuvent avoir des conséquences lourdes : sciatique, diabète, osthéoporose... Psychologiquement, ce n'est pas non plus anodin. Des femmes, après avoir eu un enfant qu'elles désiraient et qu'elles aiment, préfèrent ne pas allaiter parce qu'elles sentent de le besoin de se « réapproprier leur corps ».
La grossesse est un sacrifice. Beau s'il est fait avec amour, tragique s'il est imposé. C'est pour ça que la femme doit être la seule à prendre cette décision, et que personne ne doit pouvoir leur imposer.
Non seulement c'est inique, mais en plus vouloir déposséder les femmes de leur droit à contrôler leur corps, c'est multiplier les tragédies. On en connait les conséquences ; l'Histoire nous les apprend. Qu'on pense à toutes ces femmes qui sont mortes en couches. A toutes celles qui ont eu quinze, seize enfants et qui ont vécu dans l'esclavage d'une grossesse quasi-permanente. A celles qui étaient tellement désespérées qu'elles faisaient appel aux « faiseuses d'anges », aux aiguilles à tricoter. Ou qu'elles se jetaient dans les escaliers, préférant risquer leur propre vie plutôt que de se soumettre à cette servitude. Ces femmes de tous les peuples, de tous les pays, mariées ou non, jeunes ou non, parfois victimes de viol ou à peine remises de l'accouchement précédent... ces femmes épuisées, effrayées, qui devaient se terrer dans l'ombre et prendre des risques pour essayer de se libérer...
Comment peut-on vouloir en revenir là ? Comment peut-on prétendre défendre la vie quand on défend l'embryon au détriment de la mère ?
Les femmes ont toujours avorté, et elles avorteront toujours. Aucun « accompagnement » dans un sacrifice qu'on leur impose ne pourra les sauver ; la seule chose qu'il peut les sauver, c'est de ne pas porter une vie qu'elles refusent. Il reste deux choix : leur permettre de faire ce choix dans des conditions dignes, ou les obliger à risquer leur vie. Et bien entendu, permettre à celles qui ne voudront jamais d'enfants de se faire stériliser, comme elles en ont le droit.
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