Voilà une phrase que j'entends sans arrêt, en ce moment. Comme un espèce de mantra qu'on répèterait pour se protéger des mauvais esprits.
Il faut dire que quand je me présente ou que « j'avoue » (ce sont les crimes qu'on avoue, non ?) que je me revendique « féministe », j'ai toujours l'impression d'avancer en terrain miné. J'ai toujours l'impression de devoir me justifier, m'excuser, et gare à moi si je coupe le fil bleu à la place du fil rouge ; c'est l'explosion assurée.
Alors je voudrais rassurer la jeune génération dont je fais partie et qui a l'air de croire que le féminisme est une sorte d'insulte, un mouvement agressif et identitaire (une sorte de racisme ?) voire une maladie contagieuse.
NON, être féministe n'est pas une tare. NON, ce n'est pas un désir de revanche ou une soif de guerre. C'est une recherche de paix et de respect, au contraire.
Il y a un test très simple, qui consiste en deux questions :
Est-ce que vous considérez que tous les êtres humains sont égaux en droits ?
Est-ce que vous considérez que les femmes sont des des êtres humains ?
Oui ? Bravo ! Vous êtes féministe !
C'est évidemment un test réducteur et il y a des milliers de féminismes différents, et pourtant c'est un bon résumé : le féminisme, c'est chercher l'égalité des droits pour les femmes et pour les hommes, et le respect entre les sexes. Le féminisme, c'est l'humanisme tout simplement.
Partant de là, ce que je trouve effrayant, ce n'est pas de se dire féministe, c'est au contraire d'oser affirmer : « Je ne suis pas féministe ». Ah bon ? Tu es contre l'égalité des sexes ? Intéressant. J'imagine mal quelqu'un affirmer « Je ne suis contre le racisme », étonnamment.
Alors voilà une liste de raisons pour lesquelles on peut, qu'on soit femme ou homme, être fier de se revendiquer féministe :
- D'abord, c'est une belle façon de rendre hommage aux féministes qui nous ont précédé-e-s. Me revendiquer féministe, c'est dire que je sais grâce à qui j'ai aujourd'hui le droit de vote, l'accès à la contraception, la possibilité d'avoir un salaire et un compte en banque à mon nom propre, le choix de qui j'épouse (ou non), la maîtrise de mon corps, bref, la reconnaissance de ma dignité d'être humain. Toutes ces choses qui sont aujourd'hui des droits mais qui, hier encore, étaient des privilèges interdits aux femmes. L'héritage de ces femmes et des hommes, je le porte et je le revendique fièrement.
- Dans le monde, d'après l'ONU, 1 femme sur 3 sera violée, battue ou tuée par un homme, généralement son compagnon. En France, 75 000 femmes sont violées chaque année ; une minorité de violeurs sont condamnés. Une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint. La misère et la précarité ont une visage de femme. Les tâches ménagères sont effectuées à 80% par les femmes. Les parents célibataires sont à 90% des femmes. L'écart de salaire, à travail et compétences égales, reste de 10% entre hommes et femmes. Une femme qui a la trentaine ne peut pas aller en entretien d'embauche sans craine la question redoutable, à laquelle toutes les réponses sont fausses : « Et vous comptez avoir des enfants ? ». L'Assemblée nationale n'est toujours composée que de 26% de femmes et les expertes interrogées par les grandes chaines de télé restent marginales. Bref, on peut raisonnablement dire que la route est encore très longue avant de parvenir à l'égalité effective. Donc, n'en déplaise à Carla Bruni, que nos générations ont encore besoin du féminisme.
- Une étude, effectuée dans 40 pays pendant 30 ans a démontré que le facteur principal dans la réduction des violences contre les femmes n'est pas le fait d'avoir un dirigeant féminin, un parlement paritaire ou un gouvernement de telle ou telle tendance ; c'est la présence et l'implication des associations féministes. Cette violence est toujours endémique ; par conséquent, l'action féministe est toujours vitale. Au sens propre du terme.
- Le féminisme n'a jamais tué personne ; le machisme tue tous les jours.
- … Et tant d'autres !